Bleus, verts, jaunes, rouges… Difficile de passer à côté de cette invasion de gros pois colorés qui inondent la dernière campagne publicitaire de Louis Vuitton. La nouvelle collaboration du célèbre malletier avec l’artiste japonaise Yayoi Kusama ne passe pas inaperçue. Plus qu’un partenariat, la marque s’affiche avec l’une des artistes féminines les plus influentes de son vivant qui déclare que « ces pois représentent la connexion entre l’Homme et la Nature ». Le savoir-faire de la Maison et la créativité de l’artiste retentissent, suscitant émotion et étonnement. Une sorte d’immersion dans « l’artketing » - contraction de « art » et « keting » - qui assoit la légitimité culturelle et artistique d’une marque en exploitant l’art à des fins marketing.
Une expérience inédite offerte au client pour une course vers la quête de sens qui ne date pas d’hier…
Audace créative
Savoir-faire et impertinence


Ce genre d’union entre une marque et un artiste n’est pas récente. En 1937, la Maison Haute Couture de l’avant-gardiste Elsa Schiaparelli se rapproche du mouvement surréaliste et installe déjà une passerelle entre l’art et la mode. Elle demande à Salvador Dalí de dessiner un homard pour une robe du soir en organdi blanc. Ce motif récurrent qu’il crée fait scandale : un grand homard rouge sang inscrit sur le devant d’une robe blanche au niveau des cuisses. Ainsi, Schiaparelli provoque et interroge sur le sens de la robe blanche, signe de virginité.
Luxe toujours. En 1947, la célèbre cristallerie Baccarat produit le flacon de parfum Le Roy Soleil en édition limitée. Schiaparelli signe le contenu, Dalí dessine le flacon et la cristallerie réalise le contenant pour un résultat étincelant : la beauté de l’objet incarne la préciosité de la collaboration. Depuis plus de 250 ans, Baccarat sollicite des artistes de grande renommée : Georges Chevalier, Virgil Abloh, Patricia Urquiola, Philippe Starck… Une façon d’apporter une vision artistique singulière dans l’air du temps, repoussant toujours les limites de la technique de production.
L’art accessible
Le monde du luxe se tourne naturellement vers des artistes célèbres, afin d’inscrire l’histoire d’une Maison centenaire dans l’époque actuelle. D’autres marques plus accessibles et grand public se lancent également dans ce type de collaboration. C’est le cas de l’enseigne citadine de distribution Monoprix qui fait régulièrement appel à de grands noms. En 2016, la décoratrice d’intérieur Sarah Lavoine signe une collection d’art de la table et d’objets de décoration. Jonglant entre le style urbain chic et l’esprit de détente de campagne, la créatrice sublime les intérieurs. Cultivant les couleurs vives et un certain minimalisme, elle apporte son savoir-faire à la portée de tous. Sa collection éphémère avec la marque permet aux clients d’emporter une touche de goût chez soi.
Rendre accessible le raffinement inaccessible : une promesse offerte aux clients par Monoprix qui renforce ainsi sa notoriété.
Fusion d’univers colorés


En 2018, le constructeur automobile Peugeot collabore avec le chanteur Mika dans une publicité à la palette ultra colorée. L’artiste populaire reconnu pour son excentricité imaginative accepte le partenariat dans une perspective d’authenticité. « C’est un honneur pour moi d’être associé à une marque française aussi emblématique que Peugeot. La nouvelle campagne est un joyeux mélange de mon univers et de celui de la 108 ! » Mika et Peugeot 108 défilent sur une toile aux teintes vives en toute complicité, s’influençant respectivement et transformant gaiement le monde dans lequel ils évoluent.
Un duo gagnant tant pour l’enseigne que pour l’artiste fidèle à sa marque de fabrique : se retrouver là où ne l’attendent pas afin de surprendre ses fans. Et pour prolonger l’expérience, la marque a proposé en exclusivité à ses clients fidèles un concert privé du chanteur au Salon de l’Automobile.
Expérience acoustique
Les constructeurs de véhicules 100% électriques portent une attention toute particulière au design sonore. Un véhicule électrique est silencieux, c’est pourquoi l’identité sonore est primordiale. En 2022, BMW lance une surprenante collaboration avec le compositeur de musiques de film Hans Zimmer (Gladiator, Batman, Pirates des Caraïbes…).
Un son de conduite caractéristique a été créé, définissant le design sonore de l’I4 EV, le premier BMW Gran Coupé 100% électrique. Pour l’artiste oscarisé, les sons, les bruits et la musique suscitent des émotions. Elles créent des liens entre les personnes, qui créent des liens entre les sons et les sentiments. « Nous avons donc développé un son de conduite pour les voitures BMW M à propulsion électrique qui souligne particulièrement l’émotion associée à l’expérience de conduite et intensifie la sensation de performance. », raconte Hans Zimmer. Une autre facette de l’union de l’art avec une marque, qui ici consiste à intégrer le progrès technique dans la vie quotidienne et à en faire une expérience.
Porteur de sens
Les relations entre la culture et les marques s’entremêlent : Chanel organise des défilés au Grand Palais, Louis Vuitton au Musée du Louvre… On constate que la tendance s’inverse peu à peu : ce ne sont plus les marques qui sollicitent les artistes, mais les viviers artistiques qui se tournent vers les enseignes. Depuis quelques années, les institutions culturelles tentent de donner un coup de frais aux boutiques de souvenirs.
En 2022, Le Muséum national d’Histoire naturelle lance trois bougies parfumées avec la manufacture française Carrière Frères, une première pour cette institution culturelle. Un partenariat cohérent puisque les deux entités se rejoignent dans l’univers botaniste et artisanal. Bien d’autres collaborations foisonnent : le Centre Pompidou x Swatch, Le Musée du Louvre x Uniqlo, la Cité du Vin de Bordeaux x Zèta ou encore l’Opéra de Paris avec le vendeur d’enceintes de luxe Devialet. Une opération qui permet de rajeunir la marque et le musée, préservant la quête de sens.